Procès des parents proxénètes à Bordeaux : l’expertise dérangeante de l’éthnopsychologue
A l’occasion du procès en cours d’assises de parents condamnés de proxénétisme sur leurs enfants, procès qui a duré du 7 au 18 novembre 2016, l’ACPE a été interviewée par le journal local Sud-Ouest.
Publié le 14/11/2016 à 8h28. Mis à jour à 10h24 par JEAN-PIERRE TAMISIER.
Le procès de parents Roms bulgares pour proxénétisme de leurs enfants reprend ce lundi.
Le procès d’assises de onze Roms bulgares pour proxénétisme aggravé, qui a débuté le 7 novembre, reprend ce matin. Les accusés sont poursuivis pour avoir bénéficié des revenus de la prostitution de leurs enfants, des garçons de 12 à 15 ans à l’époque des faits, en 2009 et 2010. Plusieurs clients de ces mineurs, qui se faisaient prodiguer fellations et masturbations, ont été condamnés par ailleurs en correctionnelle, à des peines de prison ferme.
Traite des enfants
Dans ce délicat dossier, le juge d’instruction a sollicité l’expertise de Patrick Fermi, ethnopsychologue, pour tenter de comprendre comment des parents ont pu susciter ou cautionner la prostitution de leurs fils et comment ces derniers ont vécu cette situation. Ses conclusions, il s’y attendait, ont quelque peu étonné sinon choqué. Sur le plan de la maturité sexuelle, tout d’abord, l’expertise de l’ethnopsychologue souligne que dans l’univers rom, « la caractéristique sociologique qui est apparue dès les premières expertises, est le fait que l’individu soit considéré comme autonome, dans notre sens de majeur, aux alentours de 13 à 15 ans. Cette autonomie concerne aussi la sphère sexuelle. »
« Il rapporte que les jeunes garçons ont parlé de « faire du sexe », comme ils parlent de « faire la manche »
L’expert souligne aussi que « de manière quasi générale, les mis en examen et les victimes ne comprennent pas le sens réel des termes pédophile, pédéraste, proxénète voire même homosexuel. » Il rapporte que les jeunes garçons ont parlé de « faire du sexe », comme ils parlent de « faire la manche ». Quant à l’argent recueilli, d’une manière ou d’une autre, il revient par évidence à l’ensemble de la famille comme le veut « l’usage ».
Armelle Le Bigot Macaux, président d’Agir contre la prostitution des enfants, une des associations partie civile dans ce procès, n’a pas été convaincue par cette expertise, dont elle ne remet cependant pas en cause le sérieux. « Il est déjà ressorti dans d’autres dossiers que ce qui nous choque n’est pas ressenti de la même façon dans d’autres cultures. Les pédophiles s’en servent pour justifier leurs actes dans certains pays d’Asie. Ce que nous ne pouvons pas entendre. »
Le parallèle établi par les jeunes Roms considérés comme victimes (mais qui ont retiré leur constitution de partie civile) entre mendicité et prostitution fait aussi réagir la présidente d’ACPE. « Dans les deux cas, on est dans une forme de traite des enfants par leurs parents. On ne peut en aucune façon considérer qu’il y a là quelque chose de classique et de normal. Sans quoi, il n’y a plus aucune altérité, plus aucun respect de l’autre. »
L’audience reprend ce lundi à 9 heures, pour un verdict attendu au plus tard vendredi.
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