"Il y a un véritable besoin d'amélioration sur le plan législatif et technique pour mieux contrôler les activités pédocriminelles sur internet", a alerté le secrétaire général de l'association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE) mardi 13 juillet sur franceinfo. Alors que le ministre chargé de la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, doit annoncer le lancement à l'automne prochain d'un plan national de lutte contre la prostitution des mineurs, Arthur Melon a expliqué comment internet était un facteur capable d'"accélérer, faciliter le recrutement des victimes", particulièrement par "l"intermédiaire de certains réseaux sociaux". En France, entre 7 000 et 10 000 mineurs se prostituent, selon les associations, un chiffre en hausse depuis cinq ans. Il s'agit quasi uniquement de fillles âgées de 15 à 17 ans.
franceinfo : Comment expliquer cette hausse de la prostitution des mineurs ?
Arthur Melon : Il peut y avoir plusieurs raisons pour l'expliquer : d'abord le fait que les réseaux sociaux sont un grand facteur de facilitation et d'accélération du recrutement et de l'exploitation de ces jeunes. Il y a également le fait que, de manière générale, l'activité prostitutionnelle se banalise, se glamourise. On parle de plus en plus de travail du sexe et la marchandisation du corps devient de moins en moins improbable, notamment en raison de la culture pornographique qui est inculquée de plus en plus jeune aux enfants. Il y a donc tout un ensemble de raisons qui peuvent expliquer que le fait de passer à l'acte, d'acheter ou de vendre un acte sexuel est rendu de moins en moins improbable par rapport aux générations précédentes.
Mais on n'est pas forcément dans une recherche de profit financier, ce n'est pas forcément pour sortir de la misère puisque cela concerne toutes les classes sociales ?
Effectivement. Cela concerne toutes les classes sociales puisque ce n'est pas simplement une question d'argent. Dans le discours qui tourne autour de la prostitution, il est question d'argent, d'avoir accès à des affaires de luxe, mais c'est un moyen pour ensuite avoir accès à une reconnaissance sociale, une ascension sociale, à de l'affection, à la possibilité d'être intégré dans un groupe. La prostitution ce n'est pas simplement pour se loger, se nourrir : c'est perçu comme un moyen d'accession à une reconnaissance, à une façon de combler des carences affectives.
Et cela passe par des applications de rencontre, certains réseaux sociaux qui n'existaient pas il y a quelques années. Ça aussi, ça joue dans le fait que certains, plus nombreux qu'avant, se lancent dans ce genre de business ?
Oui. internet a vraiment changé la donne : ce n'est pas la cause de l'exploitation mais c'est un facteur qui va grandement accélérer, faciliter le recrutement des victimes qui se fait de plus en plus par l'intermédiaire de certains réseaux sociaux alors qu'auparavant, les victimes étaient recrutées par des personnes qu'elles connaissaient déjà dans la vraie vie. Internet facilite également la gestion logistique : c'est par internet que les chambres d'hôtel et les appartements sont réservés. Ça facilite également la mise en contact avec les clients puisque maintenant la grande majorité de l'activité prostitutionnelle se fait dans des lieux privés et que la prostitution de rue est de plus en plus réduite à une portion minoritaire. Internet a donc cette capacité d'augmenter les capacités d'actions et de recrutement des proxénètes et également d'intensifier l'emprise que les proxénètes et les clients peuvent exercer sur ces jeunes qui, même quand ils sont chez eux, ne sont plus à l'abri de l'influence et des pressions exercées par le biais de leur téléphone.
S'agit-il toujours de réseaux de proxénétisme ? Vous parlez de recrutement des victimes, n'y a-t-il pas aussi des mineurs indépendants dans leur démarche ?
Il y a effectivement des conduites prostitutionnelles qui sont moins organisées et systématisées que dans des réseaux de proxénétisme, mais jamais un mineur n'a spontanément l'idée de se livrer à la prostitution. C'est une idée qui lui est toujours suggérée par quelqu'un, que ce soit un proxénète, un client ou une autre fille qui est dans la prostitution. Je n'ose pas parler d'une prostitution indépendante, mais il y a une prostitution qui peut être occasionnelle, banalisée, invisible, par exemple dans les établissements scolaires.
Comment lutter contre ? Sur quoi insister dans les campagnes de prévention ? Cela peut-il passer par les parents ?
Même si les réseaux sociaux disent être conscients du phénomène, il y a un véritable besoin d'amélioration sur le plan législatif et technique pour mieux contrôler les activités pédocriminelles sur internet et améliorer la coopération internationale sur ce sujet. Il y a aussi la nécessité de faire de la prévention très tôt en milieu scolaire et d'appliquer la loi de 2001 qui prévoit des séances d'éducation à la vie affective et sexuelle dès l'école. Il faut insister sur les compétences psychosociales dès le très jeune âge, sur le respect de l'autre, de soi-même, du corps, le fait qu'on a le droit de dire "non". Il faut aussi insister sur le fait de donner des réflexes aux victimes pour demander de l'aide, se protéger. Il faut faire de la prévention auprès des potentiels auteurs de violence, c'est-à-dire les garçons, notamment, qui pourraient être tentés d'acheter un acte sexuel ou d'exploiter la prostitution d'autrui. Ce sont évidemment des programmes à adapter selon les âges des élèves, mais il faut commencer extrêmement tôt pour que ce soit efficace. Enfin, les parents ne sont pour l'instant pas assez sensibilisés sur les risques de prostitution puisque la plupart du temps ils pensent que, puisqu'ils ont un logement décent, un travail, leur enfant ne peut pas être concerné par la prostitution. Il y a donc véritablement le besoin d'informer sur le fait que ça concerne toutes les classes sociales et que ce n'est pas parce que leur enfant est dans sa chambre qu'il ne court aucun risque : le fait de naviguer sur internet peut présenter des risques de rencontres néfastes qui peuvent conduire à du harcèlement, de l'exploitation, du chantage. Il y a donc un travail de sensibilisation à faire auprès du grand public.
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