Lorsque l’on vit une situation traumatisante, les conséquences neurologiques sont nombreuses. Les victimes de violences sexuelles sont particulièrement touchées : on considère qu’environ 80% de victimes de viol souffrent d’un syndrome post-traumatique associé à des troubles dissociatifs.
Comment réagit le cerveau face à un événement traumatique ?
On reproche souvent aux victimes de ne pas réagir durant leurs agressions, ou de ne pas pouvoir la raconter précisément. Pourtant, il est important de ne pas les culpabiliser, puisque ces réactions sont facilement explicables d’un point de vue neurologique.
Le cerveau humain est fait pour réagir au stress. Dans une situation classique de danger, l’amygdale cérébrale produit des hormones de stress qui vont nous permettre de réagir instinctivement face au danger. Ensuite, le cortex cérébral analyse la situation et y trouve une réponse adéquate.
Mais lorsque la situation est trop violente et impensable, le cortex cérébral n’arrive pas à analyser et à prendre une décision. Il se retrouve littéralement paralysé et ne peut pas réguler la réponse émotionnelle de l’amygdale. La victime ne peut plus parler, ni bouger et encore moins se défendre. C’est ce qu’on appelle la sidération psychique.
Mais l’amygdale cérébrale est toujours active. Le niveau d’hormones de stress monte jusqu’à atteindre des quantités dangereuses pour le corps humain. La victime est face à des risques physiques extrêmes : une destruction des neurones, une attaque cardiovasculaire. Sa vie est en jeu.
Le cerveau est comme un circuit en surchauffe. Pour se protéger, il disjoncte : c’est un véritable mécanisme de survie. Le cerveau coupe l’amygdale cérébrale. Pour cela, il produit des neurotransmetteurs qui agissent comme une drogue naturelle pour déconnecter émotionnellement et physiquement la victime.
Cette réaction neurologique entraîne une dissociation et une décorporalisation. Les victimes parlent souvent d’une impression d’être coupées d’elles-mêmes, en dehors de leurs corps, comme si elles observaient la scène de l’extérieur. La réalité devient étrange, lointaine, entraînant parfois même des troubles de la mémoire.
Pourquoi parle-t-on de mémoire traumatique ?
Notre cerveau est fait pour traiter les événements et les transformer en souvenirs. Mais lorsque le cerveau disjoncte, l’événement traumatique se retrouve comme enfermé dans l’amygdale et n’est ni traité ni régulé. Cela entraîne souvent une confusion quant à l’événement, voire une amnésie partielle ou totale de ce qui a eu lieu. C’est ce qu’on appelle la mémoire traumatique.
Comment la mémoire traumatique affecte la victime ?
Les victimes développent en grande majorité un symptôme post-traumatique. L’événement continue d’affecter leurs vies sans qu’elles puissent contrôler les souvenirs qui y sont associés.
C’est le cas par exemple avec la réminiscence. Un élément déclencheur va rappeler l’agression à la victime. Cela peut-être une odeur, une phrase, un lieu. Le cerveau n’ayant pas traité le souvenir traumatique, la victime va le revivre avec la même intensité et le même niveau de stress que lors de l’agression.
La victime va donc mettre en place des stratégies pour éviter ces réminiscences.
On retrouve souvent des conduites d’hypervigilance. Les victimes vivent dans un état d’alerte permanent très éprouvant physiquement et psychiquement. Elles cherchent à contrôler tout autour d’elles pour éviter le moindre danger.
Pour éviter tout danger, les victimes mettent également en place des conduites d’évitement pour fuir les réminiscences violentes. Cela entraîne souvent un retrait social et affectif, une réaction démesurée à toute situation stressante, des phobies inexplicables. Les victimes se renferment.
Pourquoi les victimes de violences sexuelles se mettent souvent en danger ?
Le système de dissociation qui protège émotionnellement la victime n’est pas permanent et peut s’estomper. Notamment, lorsqu’elles sont écartées du danger, toutes les souffrances de la mémoire traumatique refont surface, et cela devient rapidement trop difficile à supporter.
Pour parer à ces souffrances, les victimes trouvent inconsciemment des leviers d’anesthésie. Le fait de se mettre en danger réactive la production d’hormone de stress et relance le mécanisme de dissociation. C’est pour par exemple une victime de prostitution peut se sentir moins en souffrance auprès de ses agresseurs que dans un cadre sécurisé.
Les mécanismes du traumatisme sont complexes et affectent les victimes parfois des années après l’événement traumatique. Ils peuvent expliquer les comportements paradoxaux des victimes. Il est important de les comprendre pour pouvoir mieux les accompagner et ne pas les culpabilise afin qu’elles puissent se reconstruire et être protégée.
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